Le champ du Seigneur
(IMITÉ DE LONGFELLOW).
Ô vous qui tristement foulez, aux cimetières,
Le terrain mélangé des cendres de vos pères,
Sentez-vous tout le prix de ce mot doux au cœur :
« C’est le champ du repos, c’est le champ du Seigneur ? »
Ils reposent en paix sous le regard du Maître
Qui leur avait donné le mouvement et l’être,
Ceux que l’on a semés dans ce jardin béni,
Ceux à qui Dieu réserve un bonheur infini.
Espoir réparateur, consolante pensée,
Que méconnaît souvent une foule insensée !
Le pain de votre vie, aliment de l’amour,
Vous le recueillerez quand luira le grand jour ;
Le jour de la moisson, ce jour où doit éclore
Le germe précieux que le regard ignore :
Tout homme est comme un grain dans la terre jeté ;
Il y meurt pour revivre, et dans l’éternité.
Poudre, nous devons tous retourner en la poudre,
Mais la foi nous apprend que, semblable à la foudre,
La voix de l’Éternel nous en fera sortir :
Sa parole est vivante et ne saurait mentir...
De ta lourde charrue, ô Mort, creuse la terre,
Et prolonge toujours le sillon salutaire
Où, pleurant, nous semons les germes du bonheur :
C’est le champ du repos, c’est le champ du Seigneur.
A. ESCHENAUER.
Paru dans L’Année des poètes en 1891.