Hymne à huit voix
« De ma voix je te dévorerai, Seigneur ! »
Ô Patrie, éternel
Et bienheureux instant,
Est-il rien de plus beau
Que tes bons yeux de vache ?
À toi, à tes ciels troubles,
Aux brebis de tes champs,
J’offre, gerbe d’avoine,
Le soleil en mes bras.
Vingt jours après la Pâque
Ainsi qu’à Noël prie,
Que d’ardentes vigiles
Les clochers retentissent.
Nos reins ébranleront
Le ciel, nos bras la nuit,
Nous gonflerons le blé
Maigre d’un fruit d’étoiles.
Ô Russie, steppe, vents,
Ô maison paternelle,
Sur ta perche d’or niche
L’orage de printemps.
D’avoine gorgeons-le,
Labourons de prières
Le sol ; nos labours bleus,
Le bœuf-raison s’en charge.
Et qu’au ciel nulle pierre,
Échappant à la fronde,
N’excite sur nos têtes
L’ire et la main de Dieu.
S. A. ESSÉNINE.
Recueilli dans Anthologie de la poésie russe,
choix, traduction et commentaires
de Jacques David, Stock, 1948.