Sainte Rose de Viterbe

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

Olivier Georges d’ESTRÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Rosa Mystica. »         

(Litanies de la Sainte Vierge)

 

 

ROSE de Viterbe, miraculeuse enfant, sous le vibrant ciel bleu de l’antique Italie, dans la ville latine aux belles fontaines, tu naquis, ô fleur, la plus suave des fleurs qui grandirent au tombeau du bienheureux François : l’impérissable parfum de tes vertus flotte toujours sur la contrée, et mieux que les murailles et les tours lombardes, ton souvenir charmant garde encore et protège la ville où tu reposes.

 

 

*

 

 

MIRACULEUSE enfant, ô Rose de Viterbe, sur les places dallées de ta ville, vêtue de bure et les pieds nus, tu prêchais chaque jour tes pieux concitoyens. Une lueur enveloppait ton front : flamme divine, la foi auréolait d’amour ton frais visage : lacs de candeur, tes yeux, tes doux yeux bleus reflétaient tout le ciel, enfant bénie, et les paroles tombées de ta bouche innocente volaient, blanches colombes, au plus profond des cœurs, – et vers le ciel d’où elles étaient venues, elles remontaient bientôt, emportant sur leurs ailes les paisibles désirs de ces âmes renouvelées. Car lorsque tu sentais, ô cœur généreux, que tous ces cœurs gagnés battaient maintenant à l’unisson du tien, lorsqu’aux visages ravis de ceux qui t’écoutaient tu voyais la flamme de ton divin amour réverbérée, alors, sur les dalles de pierre tu te laissais tomber à deux genoux, tes petits bras dévots croisés sur ta poitrine, et de ta voix limpide et enfantine, tu psalmodiais les prières que verset par verset la foule répétait recueillie, agenouillée.

 

 

*

 

 

ET quand la nuit était venue, la douce nuit italienne, au profond ciel criblé de milliers d’astres et d’étoiles, lorsque les ombres bleues et le silence remplissaient les rues étroites et rendaient plus sévère et plus imposante la silhouette des palais et des campaniles, lorsque les pierres elles-mêmes semblaient dormir et rêver d’autres siècles dans la sérénité de la nuit, quand tout reposait dans Viterbe, et que l’on n’entendait d’autre bruit que la plainte confuse des fontaines éternelles, – alors, des rues désertes et des places publiques, mélodieux et séraphique un chant montait, alors ta voix chantait, ta voix d’or, la gloire et les louanges de Dieu, et des balcons azurés et fleuris du Paradis, muets et ravis les anges écoutaient chanter leur sœur, ô Sainte Rose de Viterbe.

 

 

*

 

 

Ô bienheureuse prédestinée, ô chaste et pure enfant qui meurtrissais ton tendre corps aux âpres et dures morsures des cilices, toi qui bannie de ta ville par un empereur hérétique gagnais partout les cœurs et semais d’immortelles les routes blanches de ton exil, – comme l’enfant qui s’en va au printemps dans les champs s’efforce de cueillir autant de fleurs qu’en peuvent enserrer ses petits bras – ainsi tu te hâtais de glaner un ample bouquet d’âmes pour offrir au Bien-Aimé. Car tu n’étais que prêtée à la terre et le ciel même était jaloux de te ressaisir. Et c’est pourquoi tu t’étais à peine entr’ouverte, ô fleur mystique, que les anges tes frères survinrent et t’enlevèrent. Mais ton parfum embaumait et rendait fertile le sol où tu naquis, ô fleur céleste, rose de Paradis, et dans la terre sainte de ton tombeau des milliers de fleurs surgirent et grandirent. Ô voix suave, tu ne chantas qu’un instant, mais l’amoureux écho de ton chant vibra et passa sur toute l’Italie, et dans le cœur de ceux qui visitent ta ville et ton église, il retentit encore, ô Sainte Rose de Viterbe.

 

 

 

Olivier Georges d’ESTRÉE.

 

Paru dans Le Spectateur catholique en décembre 1897.

 

 

 

 

 

 

 

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