Prière à Jeanne d’Arc
Ô Jeanne ! il est venu le temps où tous parlent de toi comme en pariaient les pauvres gens.
Le roi t’oubliait ; les nobles te raillaient ; les prêtres t’accusaient. Les pauvres gens te plaignaient et t’admiraient. Aujourd’hui, l’humanité te plaint et t’admire.
Où sont-ils les grands, les illustres de ce monde, qui ne seraient pas fiers de baiser à deux genoux les plis de cette grossière robe rouge de paysanne que tu portais le jour où tu te présentas devant le sire de Baudricourt, folle et sublime de patriotisme ?
Il n’a rien manqué à ta gloire, pas même l’apothéose par ceux qui furent tes bourreaux. Ces Anglais qui t’avaient brûlée devaient un jour reconnaître que le vaincu se déshonore quand il déshonore qui l’a su vaincre, et un de leurs poètes, Southey, devait te consacrer des chants où son génie célèbre ta vertu.
Gloire à jamais à toi, ô la plus belle fleur de notre belle France.
Comment as-tu pu, héroïne de dix-huit ans, opérer en quatre mois tant de merveilles ? Tu as pu, parce que tu as cru ; et tu as cru, parce que tu as aimé.
Puisse ton souvenir nous enflammer, nous, enfants de la France !
La France est éprise de toi ; car ta vertu lui a fait toucher un sommet non atteint ni avant ni depuis. Et elle peut dire fièrement aux autres peuples :
— Où est votre Jeanne d’Arc ? Mais ce n’est pas assez de te chérir. Il faut t’imiter.
Oh ! souffle-nous cette grande pitié pour la patrie, cette haine profonde pour l’envahisseur, dont tu étais animée ! Souffle-nous cette foi qui soulève les montagnes !
Joseph FABRE.
Paru dans Les Annales politiques et littéraires en 1909.