Noël des enfants sages
Tant l’on crie Noël, Noël, encor Noël,
Tant l’on crie Noël
Qu’à la fin nous vient :
Mon cœur fol appelle :
Noël, Noël,
Mon cœur fol appelle,
Mon cœur se souvient.
Ô froide bise de Noël !
Ô vieux sapins frileux, cœurs grelottants, les bises
Entrefroissent sans fin, sistres, voix indécises,
Les paillettes d’argent du gel ;
Vieux spectres verts et noirs raidis par le grand âge,
De flèches hérissés, fantômes des vieux âges,
Spectres perclus, morts immortels,
Un astre lourd de neige en frissonnant se glisse
Et gèle sur les prisons de givre. Ah ! que puisse,
Dans ces squelettes sous le ciel,
Atteindre un jour, Printemps, du bon Dieu le grand souffle,
Et que souffrent nos cœurs, quand tes sapins engouffrent
La noire bise de Noël,
Bise où nous nous éparpillons,
Papillons, papillons transis !
La neige tombe à flocons :
Mère Holle fait son lit,
Vite, enfants, vos capuchons
Et vos gros sabots garnis !
Dame Neige est en voyage
Par les routes de l’hiver,
Les oiseaux du voisinage
Ont pris la route des airs.
Seul le rouge-gorge appelle
Jésus qu’il suivit en croix ;
Il crie : Noël et Noël
Avec sa Petite voix :
Tant l’on crie Noël, Noël, Noël,
Tant l’on crie Noël
Qu’enfin on le voit.
Sainte Vierge est en voyage,
Portant Jésus en son sein.
Elle évite les villages,
C’est le temps des assassins.
Saint Joseph est tout contre elle,
Elle peine sur son bras,
Si lasse qu’elle en chancelle
Et trébuche à chaque pas.
La neige tombe à gros flocons :
C’est les anges qui font un nid
Pour y étendre le poupon
Que porte la Vierge Marie.
L’étoile du ciel,
Noël, Noël,
L’étoile du ciel
Marche à leur côté,
Avec sa chandelle,
Noël, Noël !
Avec sa chandelle
Noël, Noël !
Avec sa chandelle
Pour les éclairer.
(Oh ! bon ange, oh ! m’as-tu quitté ?)
Les anges du ciel,
Noël, Noël,
Les anges du ciel,
Sont à nos côtés :
Tous ils nous appellent,
Noël, Noël
Tous ils nous appellent
Pour nous escorter.
Sainte Vierge est en voyage,
On massacre les enfants,
Elle va loin des villages.
Ses pauvres pieds sont en sang.
Joseph sans fin l’accompagne,
Portant dans ses bras Jésus :
Ils partent dans la campagne,
Par la route des élus.
Les chiens dansent dans la neige,
Ils tournent comme des fous ;
Pauvre enfant, Dieu te protège,
Dans les bois tournent les loups.
Tant l’on crie Noël
Qu’il revient à nous !
FAGUS, Le Massacre des Innocents.
Paru dans La Muse française en 1924.