Prière à la très Sainte Vierge
Reine des cieux, régente terrienne,
Empérière aux infernaux palus,
Je meurs de soif au bord de la fontaine
D’où pleut le sang de mon Seigneur Jésus.
Que fus-je ici, que le trouble Fagus,
Qui peu valut mais souffert a ses peines ?
Accorde-lui de joindre les élus
Je meurs de soif au bord de la fontaine.
François Villon et son frère Verlaine
Ont péché certes autant que moi, ou plus ;
Tu les sauvas, ô Vierge Souveraine;
Veuille sauver ton serviteur Fagus.
Mon fils aimé, ma femme ne sont plus,
Mais je sais bien qu’au ciel ils interviennent.
Vierge, de Vous soient leurs voix entendues,
Je meurs de soif au bord de la fontaine.
Par devant Vous j’invoque dans ma gêne
Sœur Mélanie à qui parla Jésus,
Et Bernadette à qui, sous la fontaine,
Par dix-huit fois, Vous êtes apparue,
Et vous, Thérèse de l’Enfant Jésus
Qui de mon fils, au ciel, êtes marraine,
Je vous en prie, faites-nous absolus :
Je meurs de soif au bord de la fontaine.
Reine des cieux, régente terrienne,
Ai-je tout dit ? Je ne vois rien de plus,
Que vous prier de redire à Jésus
Auprès de qui Vous êtes souveraine :
Je meurs de soif au bord de la fontaine.
J’ai perdu mon père et ma mère,
Ma femme et mes petits enfants :
Qu’ai-je encore à faire sur terre ?
En moi, autour de moi, je sens,
Partout, l’odeur du cimetière :
Qu’ai-je encore à faire à présent ?
Qu’ai-je encore à faire sur terre,
Qu’attendre la mort, qui m’attend ?
Je n’ai plus ni santé, ni force,
Plus de cœur, ni d’âme, ni rien,
Plus rien qu’un vain lambeau d’écorce
Qu’achèvent les dents du destin.
Toute joie m’aura fui sur terre :
Est-il plus affreuse misère
Que, mort son cœur, rester vivant ?
J’ai tout perdu, amis, parents,
Et jusqu’au goût de la prière :
Qu’ai-je encore à faire à présent,
Qu’ai-je encore à faire sur terre,
Quand au ciel est Dieu qui m’attend ?
Mon passé fut une agonie,
Nul vrai plaisir ne m’a connu :
Puis quoi : j’aurais vécu ma vie
Telle, ô Seigneur, qu’il T’aura plu !
FAGUS.