Bénédiction

 

 

– Ô mon fils, de ce nom j’ose encor te nommer

Puisque je te sens mien pour encor quelques heures :

Les hommes vont descendre en chœur te réclamer,

Et tu seras leur proie jusqu’à ce que tu meures.

 

Ton nom sera porté sur un livre d’écrou,

Ta seras vacciné comme un bétail qu’on marque,

Et ton signalement t’escortera partout,

Jusqu’à l’embarquement dans l’angélique barque.

 

Tu mangeras ton pain aux sueurs de ton front,

Pain trempé de ton sang, de ton fiel, de tes larmes ;

Ce famélique pain, comme tous en voudront,

Vous vous l’arracherez sous le poing des gendarmes.

 

Ta femme et toi, pour dot, quand tu te marieras,

Échangerez le deuil, l’angoisse et la misère ;

Le puits sans fond aux flancs duquel tu tourneras

T’apprendra que l’Enfer commence dès la terre.

 

Et vous vous aimerez ; des enfants vous viendront,

Et vous les bénirez comme je fais moi-même,

Et sur vous sans vieillir les siècles tourneront,

Ramenant chaque fois le sanglotant baptême.

 

Mais si Dieu veut, nous nous retrouverons enfin,

Déliés du fardeau des terrestres misères,

Dans le ravissement sans mesure et dans fin

Et le vertigineux repos dans la lumière,

 

Par delà la souffrance et les bonheurs humains.

 

 

 

FAGUS, La guirlande à l’épousée.

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net