Invocation à Dieu

 

Louanges adressées à Dieu, le distributeur de tous les biens, où l’on célèbre et glorifie les perfections de son essence.

 

 

 

Ô Dieu clément ! vous avez créé les hommes et les génies, les objets sensibles à nos yeux et ceux qui leur échappent ; mais vous vous êtes plu à donner la perfection à l’homme, et vous l’avez mis au-dessus de toutes les créatures. Du visage de l’homme, vous avez fait un miroir où se réfléchit la lumière de votre Beauté.

Étant l’essence de toute chose, tout ce qui est hors de vous n’est que fantômes insaisissables. Il n’y a que soupçons et conjectures sur l’existence réelle du monde ; le monde peut n’être qu’une simple apparence. Les choses ont été créées pour les noms, et dans chaque nom se manifeste votre clémence. Personne ne peut comprendre votre essence ; la force de toutes les facultés de l’homme y remonte. Jamais homme n’a eu cette connaissance, et comme dit le prophète : « Nous ne vous connaîtrons jamais comme vous méritez de l'être. » Dans cette science, la raison n’est qu’un enfant qui épelle ; vous seul, vous connaissez vous-même.

Ô mon Dieu ! j’ai été pécheur, j’ai été courbé et avili par la main de mes passions. Ma tête vide de cervelle a été remplie de folles passions. J’ai jeté au vent toute ma riche moisson de vertu.

S’il m’arrivait de prendre l’aiguière pour les ablutions sacrées, je croyais voir un vase plein des perles d’un vin étincelant ; j’abandonnais l’abdest (les ablutions), tous les rites pieux, tout accomplissement de mes devoirs. Cent fois le namaz (la prière) passa sans que je fisse mes ablutions pour l’accomplir ; ah ! rebelle que j’étais, puisse aucun autre ne me ressembler !

Ne pensez pas que j’allasse à la mosquée dans des vues pieuses, je n’y allais que pour voir les belles. Égaré que j’étais, tournais-je mes regards vers le mihrab (autel), joignais-je mes mains pour prier, je m’imaginais être à la porte d’une belle, tendant mes mains pour la servir comme un esclave. Ô mon Dieu ! j’ai cédé à des inspirations mauvaises, ô mon Dieu ! pardonnez-moi mon crime. Montrez-moi, ô mon Dieu ! la voie qui conduit à votre unité glorieuse, faites de mon cœur le jardin où croîtra votre science. Enivrez mon âme de la coupe de votre amour, rendez la vie à mon existence anéantie, afin que dans l’ivresse de mon amour je m’écrie : Ô celui qui est ! rien n’existe pour moi hors de lui ; afin que ma langue répète sans cesse : Il n’y a de Dieu qu’Allah.

Remplissez mon âme de vérité, revêtez-moi de piété, faites-moi un manteau de reconnaissance pour vos bienfaits. Préservez mon cœur du mensonge, de la calomnie, de l’orgueil, de la haine et de la violence. Changez mon naturel, donnez vos grâces abondantes à votre serviteur misérable. Que la passion ne triomphe pas de mon âme, repoussez-la, ô mon Dieu ! et rendez-moi possible la vertu.

Que les flammes de votre colère ne me dévorent pas, versez sur elles l’eau de votre miséricorde. Que la confiance en vous soit mon guide afin d’arriver à la kaaba de mes désirs. Comme votre doctrine sainte est la source de toute gloire, que l’observance de vos lois soit tout mon honneur.

Que votre service soit mon occupation ordinaire, et que ma piété ne soit pas cependant une froide habitude. Élevez ma taille pour que je remplisse convenablement mes devoirs d’esclave ; rendez-la flexible pour que je sois toujours comme le D, courbé devant votre majesté.

Que ma piété soit sincère et sans hypocrisie. Augmentez mon zèle à observer votre loi et mon ardeur à vous imiter, que mon cœur soit toujours épris de votre amour, que ma langue publie sans cesse vos bienfaits !

 

 

FASLI, La Rose et le Rossignol.

 

 

 

Le poète Fasli, fils d’un sellier de Constantinople, naquit dans cette ville sous le règne du sultan Suleiman (Soliman-le-Grand), dans le XVIe siècle. Il fut successivement secrétaire des trois fils de ce prince, Mohammed, Moustapha et Sélim, et il fut premier secrétaire sous le règne de ce dernier. Il termina le poème mystique de La Rose et du Rossignol, l’an 1560 de notre ère. (Notice parue dans Le Magasin pittoresque en 1835.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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