Rêve d’Épiphanie
J’ai maintes fois rêvé l’amère destinée
D’un mage dont saint Luc ne nous parlerait pas.
Et qui, suivant aussi la voie illuminée,
Plus tôt que Bethléem aurait vu son trépas.
Loin du pays et loin du but, dans sa faiblesse,
Il aurait dit : « Allez, mes frères plus heureux ;
Je succombe, et la route est dure aux pieds que blesse
La longueur du chemin vous menant aux Hébreux.
« Tournez-moi, cependant, vers le rayon mystique
De cet astre inconnu qu’en vit en Orient,
Car j’ai senti mon âme exhaler un cantique
Devant ce feu du soir, paisible et souriant.
« Oh ! suivez les chemins de l’étoile inconnue.
Et dites à ce Roi, quand vous l’aurez trouvé,
Que j’allais aussi, moi, célébrer sa venue,
Et que je meurs dans le voyage inachevé.
« Le monde qui sommeille attend sa délivrance.
Un rayon de l’étoile a mis en moi l’espoir.
C’est beaucoup de mourir sur un chant d’espérance.
Et mon âme s’emplit de la paix d’un beau soir !
« Et de mourir dans les chemins de la lumière,
Dans le rayonnement si pur de la Beauté !
Voici la myrrhe et l’or, l’encens et ma prière.
Le trésor de mon cœur : ma bonne volonté. »
Les mages s’en venant au pays de Judée
Ont connu les refrains de la nuit de Noël.
Pourquoi l’âme enfin d’une paix inondée
Avant la mort avait rendu grâces au ciel.
Lucie FÉLIX-FAURE-GOYAU.
Paru dans Les Annales politiques et littéraires en 1909.