Le poète
À mon ami Germain Beaulieu.
Lisez avec le cœur les vers où vibre une âme,
Les vers qu’on harmonise au regard d’une femme,
Et qu’on écrit parfois, tremblant, sur ses genoux,
Tandis qu’elle se penche et daigne bien les lire,
Et vous verrez combien, lorsque l’amour l’inspire,
Le poète est sensible et doux.
Lisez les vers sereins, croquis de la nature,
Où tout être a sa voix, ses beautés, son murmure,
Où ce qui naît sur terre et ce qui vole aux cieux
Ont répandu des pleurs ou laissé leur sourire ;
Et vous verrez combien, lorsqu’il rêve et s’inspire,
Le poète est harmonieux.
Lisez aussi les vers où la sainte espérance
Épanche un pur rayon pour calmer la souffrance
Des jeunes à l’aurore et des vieux au couchant,
Où la prière à Dieu porte une âme attendrie ;
Et vous verrez combien, lorsqu’il espère et prie,
Le poète est fort et touchant.
Lisez les vers vengeurs châtiant dans leur colère
Le crime qui triomphe et le mal qu’on tolère,
Les doux vers consolant le chaume ou le haillon,
Pleurant les innocents qu’un bras injuste immole ;
Et vous verrez combien, lorsqu’il frappe et console,
Le poète est terrible et bon.
Ah ! ne dites jamais qu’étrange est le poète,
Qui rêve l’infini dans son âme inquiète,
Et le jour et la nuit admire le Seigneur,
Car si son front brûlant vous fait croire au délire
C’est que le doigt de feu qui vibre sur sa lyre
Est le doigt de son Créateur !
Albert FERLAND.