Prière des bois du Nord

 

 

Ô Toi qui nous as mis sans nombre à l’horizon,

De soleil altérés, de terre vierge avides,

Sois béni ! le matin blanchit les Laurentides,

Se révèle au pays de l’ours et du bison,

Ô Toi qui nous as mis sans nombre à l’horizon !

 

Sois béni dans la paix des vertes solitudes

Où les bois, nos aïeux, se sont enracinés,

Où les pruches, les pins et les cèdres sont nés,

Dédaigneux de l’assaut tenace des vents rudes.

Sois béni dans la paix des vertes solitudes !

 

À Toi, qui nous as faits, l’hommage des sapins.

Immobiles rêveurs groupés dans la savane,

Arbres noirs, dont jamais le rameau ne se fane,

Quand l’automne fait choir l’orgueil des bois chagrins,

À Toi, qui nous as faits, l’hommage des sapins !

 

À Toi, qui nous as faits, l’hommage des érables,

Des érables pourprés et des érables d’or,

Dont les feuilles, mourant des morsures du nord,

Se parent pour l’adieu de teintes innombrables,

À Toi, qui nous as faits, l’hommage des érables !

 

À Toi, qui nous as faits, l’hommage des bouleaux.

Si menus et si blancs parmi les souches grises,

Bouleaux sveltes, bouleaux tremblant aux moindres brises,

D’une grêle blancheur éclairant les ruisseaux,

À Toi, qui nous as faits, l’hommage des bouleaux !

 

Sois loué, Toi qui fais le cèdre aux branches fines,

Les cèdres pleins d’odeur, amis des fonds bourbeux,

Les cèdres effilés, penchés sur les lacs bleus,

Et les hêtres fourchus, amoureux des collines.

Sois loué. Toi qui fais le cèdre aux branches fines !

 

Sois loué, Toi qui fais le pin sombre et géant,

Le pin vêtu de nuit, conquérant des falaises,

Les saules tourmentés, les ifs et les mélèzes.

Le tremble au vert léger, le frêne au bois pliant,

Sois loué, Toi qui fais le pin sombre et géant !

 

Sois loué, Toi qui fais la noblesse des ormes,

Les chênes coutumiers de régner sur les monts,

Les premiers honorés du feu des jours féconds,

Les derniers dont le soir désembellit les formes.

Sois loué, Toi qui fais la noblesse des ormes !

 

Gloire à Toi ! les grands bois ont conquis l’horizon,

De soleil altérés, de terre vierge avides,

Sans fin leur multitude emplit les Laurentides,

Propice au rêve obscur de l’ours et du bison,

Gloire à Toi ! les grands bois ont conquis l’horizon !

 

 

 

Albert FERLAND, Le Canada chanté, 1908.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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