Stances
Comment ! je suis poète et je n’oserai dire,
De peur que les pervers, les sots puissent en rire,
Que je reconnais Dieu pour le Maître éternel,
Que j’adore son nom, que je le crains et l’aime,
Que j’espère toujours en sa bonté suprême,
Qui daigne à l’homme juste ouvrir son vaste ciel !
Non, non, mortels, jamais le Dieu saint que j’adore,
Et qu’on doit respecter du couchant à l’aurore,
Ne me verra rougir disant son nom si grand !
Avec le jour, la nuit, le feu, les vents, les ondes,
La terre, les cieux bleus, les soleils et les mondes,
Je le dirai toujours....... et toujours fièrement !
Eh ! pourquoi rouirai-je en n’étant que poussière,
De Celui qui des cieux épanche la lumière ?
Est-ce parce qu’il est le Maître tout-puissant,
Celui qui fit l’azur, l’astre, le mont superbe,
L’aigle fier, l’oiselet qui se cache dans l’herbe,
L’invisible ciron, le lion rugissant ?
Dans l’immense désert, sur les plus vastes cimes,
Au bord des océans, au fond des cieux sublimes,
S’il est un être bon, digne de notre amour,
Que c’est bien ce grand Dieu qui remplit l’étendue,
Dont la gloire éternelle est partout répandue,
Et qui, d’un seul regard, a fait jaillir le jour !
Respectez-le, mortels, et gardez-vous d’en rire,
Car ce n’est pas en vain qu’il m’enflamme, m’inspire,
Et verse dans mon cœur un juste, et saint courroux.
Craignez de soulever les flots de sa colère,
Oui, tremblez et courbez votre tête si fière,
Car il est tout-puissant pour se venger de vous !
Albert FERLAND,
Mélodies poétiques, 1893.