Hymne des élus

 

                                                     À Antoine Chollier

 

 

TRINITÉ, brille dans ta gloire,

Connais-toi dans ta pureté

Et dans ton immobile histoire

Qui plonge dans l’Éternité !

Contemple ta face immuable,

Où règne le calme adorable

Qui se peint dans l’immense azur ;

Rien ne détourne ta pensée,

Mais la flamme en ton sein bercée

Se reflète dans le cœur pur.

 

Tu connais dans sa plénitude

Le plaisir d’être, et ta beauté

Ne souffre point d’inquiétude,

Soleil, aux feux illimités !

Tu les nourris de ta présence,

Et rien n’épuise ta substance,

Car tu es l’éternel amour

Uni à l’idée ineffable ;

C’est ton évidence insondable

Qui te fait régner sur le jour.

 

Tu disperses le vol des âmes

Qui partent de ton sein puissant,

Comme des colombes de flammes

Dont le flot toujours renaissant

Vient battre les terrestres mondes,

Puis recule devant les ondes

De la mort, piège des humains ;

Mais il bondit vers la lumière,

Car sa grâce était prisonnière

Des corps, des péchés et des mains.

 

Et maintenant la gloire pure,

Qui t’orne comme un diamant,

Revêt notre frêle nature !

C’est un avenir scintillant

Qui danse pour nous dans l’espace,

Où le passé n’a point de trace,

Où le présent est un cristal

Que nulle nuit ne tache d’ombre ;

Nous sommes des astres sans nombre

Que n’éteint nul vent matinal.

 

Nous sommes le printemps lucide

Épris de tes perfections,

Nous avons mesuré le vide

Où s’abîment les passions

Que ne guident point tes paroles,

Et nous avons vu les idoles

Se fondre aux sables du hasard,

Mais nos âmes avaient les ailes

Des puissances surnaturelles,

Quand les appelaient tes regards.

 

Et nous contemplerons ta face,

Éblouis de ton amitié,

Autant qu’un bel arbre, vivace,

Ruisselante de ta pitié !

Notre faiblesse fut extrême,

Mais ta miséricorde sème

Les rayons d’un sang rédempteur

Sur toutes nos fautes obscures,

Que brûlèrent les flammes pures

De la grâce et de la douleur.

 

Notre joie est la certitude,

Notre félicité grandit

Dans l’évidente quiétude !

Nul de nous ne sera maudit,

Jamais une perfide offense

Ne viendra braver ta puissance,

Oublieuse de ta grandeur,

Ni ternir tes flots de lumière,

Ô TRINITÉ, source plénière

Qui nous abreuve de candeur !

 

Nous avons vu des terres heureuses

Qui bercent des épis dorés

Dans les mousselines rêveuses

Des sommeils jamais apeurés !

Car nul ne fauchera les tiges

Des herbes et des blés prodiges,

Et nous apercevons nos bois

Qui tressaillent comme des ailes,

Quand passent des anges fidèles

Qui les caressent de leurs voix.

 

Et des fleurs dans la nuit sereine,

Soudain, se plaisent à chanter ;

Les roses veulent une reine

Qui traverse l’éternité,

Sans plus se flétrir qu’un sourire

De la Vierge, qui nous attire

Vers les hauts sommets du bonheur !

Un arbre joue avec la brise,

Tandis qu’une colombe exquise

Parle toujours de toi, Seigneur !

 

Mais nous qui voyons la mer calme

Étendre jusqu’à l’infini

Son humide frisson de palmes

Et l’espérance de ses nids,

Nous effleurons ses vastes plaines,

Où dorment les douleurs humaines,

Puis nous volons vers vous, Dieu fort,

Emportés par la vague ardente

D’une charité triomphante

Qui dévore en ses feux la mort !

 

 

 

René FERNANDAT.

 

Extrait de Le Royaume des Cieux, Garnier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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