À mon cœur
Ô mon cœur, calme-toi ! Pourquoi, pourquoi bondir
Comme un flot irrité qu’un âpre vent soulève ?
Si l’épine acérée aux doux songes t’enlève,
Le Dieu qui te créa te défend de haïr.
« L’amitié, me dis-tu, vain mot, hypocrisie,
« Masque de l’intérêt, sourire adulateur.
« Le simple qui se fie à son appas menteur
« N’y trouve que le fiel d’une fausse ambroisie. »
Tais-toi, tais-toi, mon cœur ! Je veux aimer encor.
Laisse l’illusion, berceuse complaisante,
Endormir ton courroux. Que sa voix caressante
Chasse le doute sombre où tu puises la mort !
Quoi ! pour une âme ingrate, égoïste, orgueilleuse,
Faut-il que je renie un sentiment pieux
Qui fait les âmes sœurs sur terre et dans les cieux ?
De tout noble lien faut-il être oublieuse ?
Cœur blessé, reste ouvert aux généreux élans !
Ne deviens pas méchant lorsqu’un méchant t’offense :
Aux lâches amitiés offre l’indifférence,
Et le calme dédain à leurs propos sanglants.
Garde comme un trésor, une sainte relique,
La foi naïve et pure en l’amour fraternel,
Ce feu qu’épand sur nous la main de l’Éternel,
Et dusses-tu souffrir, sois bon et sympathique.
Apaise-toi, mon cœur ! tu ne dois plus bondir.
Si l’épine acérée aux doux songes t’enlève,
Vers le front déchiré du Christ mon œil se lève.
Ô toi qui sais aimer, non, tu ne peux haïr !
Mme Julie FERTIAULT.
Paru dans La Tribune lyrique populaire en 1861.