Cri d’indignation
L’ai-je bien entendu !... Se peut-il qu’une femme,
Sur l’amour maternel, cette céleste flamme,
Ait répandu le fiel d’un doute accusateur !
Se peut-il qu’elle ait dit : « Sous un masque menteur
« La mère peut cacher la froide indifférence,
« Et n’avoir de l’amour qu’une vaine apparence ! »
Se peut-il qu’elle ait dit : « Veuve de son enfant,
L’oubli voile son cœur d’un linceul étouffant !!... »
Cependant, comme nous le bon Dieu te fit mère.
En songeant à ton fils, cette parole amère
De ta bouche jamais, jamais n’eût dû sortir !
Tu l’aimes, n’est-ce pas ? Lors, tu devrais sentir
Que ce doux sentiment, cette vive tendresse,
Qui berce notre vie en la plus sainte ivresse,
De la femme, en ce monde, est le plus cher trésor,
Trésor, qui dans son cœur, survit même à la mort.
Ah ! tu ne comprends pas cette douleur muette
Qui torture son âme, alors qu’elle, inquiète,
Cherche sur cette terre un bonheur qui n’est plus.
Discrète en ses regrets, tous les mots superflus,
Les pleurs sont dédaignés. Forte par l’espérance,
Elle entrevoit le ciel... et dompte la souffrance.
Ne jette pas l’insulte à ce sublime effort.
Il faut être chrétienne, et libre de remord
Pour sourire aux heureux, pour les voir sans envie.
En perdant son enfant, on perd plus que la vie.
Le corps, tu le sais bien, ne périt qu’une fois,
La mère abandonnée est toujours sur sa croix.
Mais est-il une amie, une, qui puisse entendre
Son éternelle plainte, et toujours la comprendre ?
Ses larmes lasseraient le cœur le plus humain.
Seule, que ferait-elle en son triste chemin ?
La haine arriverait ; à son impie escorte,
Blasphème et jalousie, elle ouvrirait la porte,
Et Dieu, qui veut nous voir humbles dans les malheurs,
N’entendrait pas la femme aux farouches douleurs.
En ses rêves, les nuits, de l’heureuse phalange
Jamais n’arriverait la voix de son doux ange ;
Cette voix, consolant mieux que tout ici-bas,
La voix de son enfant ne lui parlerait pas.
Ce silence de mort, néant de la pensée,
La tiendrait froidement dans le doute affaissée.
Plus tard, quand viendrait l’heure où s’éteindront ses yeux,
Sous l’aile de son fils monterait-elle aux cieux ?...
Crois-moi, ne lance plus des arrêts téméraires.
Respecte, en tes discours, le deuil des pauvres mères :
Aux jours d’âpres chagrins une placide humeur
Ne prouvera jamais l’aridité du cœur.
Crains que le ciel en sa justice,
Pour te punir de ta malice,
Ne t’impose le sacrifice
De celui qui charme tes jours.
Toute créature est mortelle.
Quand Dieu commande, ouvrant son aile,
L’âme en la demeure éternelle
Prend son essor, et pour toujours.
Sans regret pour ce monde étrange,
L’enfant quitte son corps de fange
Et, radieux, devient un ange.
Seule sa mère doit souffrir.
Aussi, pardonnant à ton blâme,
Nous prîrons Dieu du fond de l’âme
Pour qu’il t’épargne, ô faible femme,
Et qu’il t’envoie un repentir ! –
Mme Julie FERTIAULT.
Paru dans La Tribune lyrique populaire en 1861.