Matinée de mai 1851

 

 

Pourquoi renaissez-vous dans la pelouse verte,

Douces fleurs qu’il aimait, petites fleurs des prés ?

Pourquoi parer ces murs et ce toit qu’il déserte,

Jasmin de Virginie aux corymbes pourprés ?

 

Et vous, jasmin d’Espagne, aux étoiles sans nombre,

Écartez vos festons qui nous charmaient jadis !...

Qui vous demande à vous des parfums et de l’ombre,

Jeunes acacias si promptement grandis ?

 

Pourquoi viens-tu suspendre, ô frêle clématite !

Ta blanche draperie à sa croisée en deuil ?

Ne sais-tu pas qu’ici le désespoir habite,

Que le poète aimé dort sous un froid linceul ?

 

L’ébénier rajeuni balance, gracieuses,

À la brise de mai, ses riches grappes d’or,

L’oiseau remplit de chants les nuits mélodieuses

Comme si deux amis les admiraient encor.

 

Pour qui vous parez-vous ainsi, chère retraite ?

Vêtissez-vous de deuil, comme moi, pour toujours !

Vous ne le verrez plus, le docte anachorète,

Oubliant sa langueur pour sourire aux beaux jours.

 

Vous ne l’entendrez plus, cette voix adorée,

Qui sut en vers si frais chanter ces frais taillis ;

Qui, naguère, plus grave et du ciel inspirée,

Forma de saints accords des anges accueillis.

 

Aux goûts simples et purs, à ces vallons fidèles,

Par un rayon d’avril il était réjoui ;

Ses regards épiaient la première hirondelle,

Et le premier bouton à l’aube épanoui.

 

Et moi, quand s’apaisait cette fièvre brûlante,

Qui sur ta couche, hélas, souvent te retenait,

Que j’aimais à guider ta marche faible et lente.

À sentir à mon bras ton bras qui s’enchaînait.

 

Quoi ! pour jamais absent, tendre ami que je pleure !

En vain je crois te voir aux lieux où tu n’es pas ;

Et pour te retrouver, c’est loin de ta demeure,

C’est dans l’enclos des morts qu’il faut porter ses pas.

 

Et le printemps revient avec son gai cortège ?

On voit les fruits germer, le feuillage frémir,

La vigne couronner le pin qui la protège.

Dans cet ingrat séjour, je suis seule à gémir !

 

Tout chante, aime, fleurit… Incessante ironie,

Pour mes yeux qu’ont brûlés tant de veilles, de pleurs !

Pour ce cœur dévasté, plein de ton agonie,

Que font saigner encor tes suprêmes douleurs !

 

Ah ! viennent les frimas, l’inclémente froidure,

Et dans les bois flétris les longs soupirs du Nord,

Et la neige étendant sur la molle verdure,

Son suaire glacé d’une pâleur de mort !

 

L’âme stérilisée où toute joie expire

Du retour des saisons ne comprend plus la loi,

Mes pleurs sont plus amers à voir le ciel sourire,

Et ta vallée en fleurs s’épanouir sans toi !

 

 

 

Pauline de FLAUGERGUES.

 

 

 

 

 

 

 

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