Il faut savoir
Ah ! si cet univers sur la tombe est bâti
Comme un palais sur un abîme,
Il est indifférent que tu prennes parti
Pour le Martyre ou pour le Crime.
Quoi de plus clair ? Mais l’instinct leurre la Raison
Et nul ne consent à comprendre,
Tant le Plaisir Vital masque à tous l’horizon,
Tant il étreint ces Cœurs de cendre.
Tu dis : « J’ai bien le temps. » Il t’emporte au néant,
Ce temps qui court comme une bise.
Il t’emporte, fétu, vers le seul Chanaan,
Vers la seule Terre Promise.
Tout t’échappe. Tu sens le passé t’envahir
Comme il neige sur de la neige.
Derrière toi s’accroît le pâle souvenir,
Devant toi le chemin s’abrège.
Tu n’es rien si tu n’es qu’une bulle sur l’eau,
Une vapeur tôt dissipée,
Un tremblement furtif de feuille de bouleau,
Un éclair d’armure ou d’épée.
Exige l’Éternel. Exige l’infini.
En toi peut-être tu les portes.
Que ton divin effort disperse le déni
Qui te ferme les Hautes Portes !
Il faut chercher. Il faut trouver. Il faut savoir
Au plus juste ce que nous sommes ;
Les roses d’un matin et les crêpes d’un soir,
Ou Dieu qui se prodigue en hommes.
C’est l’unique devoir. C’est l’unique souci.
Oh ! c’est l’étude essentielle.
Percez le mur. Illuminez l’air obscurci.
Montre-toi donc, Âme immortelle !
René-Albert FLEURY, Des Joies et la Joie.