Le poète et le rocher
LE POÈTE
Aiguille qui t’élances, oblique, dans le ciel,
Dis-moi ton souci, si tu peux ! Ne vois-tu pas
Tout autour les monts verdoyants, et à tes pieds
Rire les collines couvertes
De vignes, d’oliviers,
Se jouer le voile bleu des eaux ?
Par delà les autres cimes, ne regardes-tu
Jamais, aiguille,
Luire le miroir morcelé des joyeux
Lacs lombards ?
LE ROCHER
Que m’importe les monts verdoyants,
Les lacs épars aux divers horizons,
Et les vignes
Et les oliviers ?
Je regarde la foule spectrale des blancs
Géants dressés encore dans le Soleil
Quand la nuit me déshonore.
Je sens la gloire de mes pères,
Je voudrais monter
Jusqu’à eux !
LE POÈTE
Ô rocher je t’aime !
LE ROCHER
Si tu sais, exalte-moi.
Antonio FOGAZZARO,
Poésies, 1937.
Traduit de l’italien par
Lucienne Portier.