Ivoire
Aux tons chauds et brunis de l’ivoire ancien,
Le Christ sur la croix-tombe allonge un corps si ferme
Qu’en sa perfection on le croirait païen,
Et que la vie en lui s’attarde et se renferme.
Sa tête est grave ; il a le regard surhumain
D’un roi qu’on dépossède et qui meurt en détresse.
Mais ni l’ignoble trou qui déforme sa main,
Ni la plaie au côté n’altèrent sa noblesse ;
Ces tourments de la chair le poignent sans un pleur.
Or, sachant les péchés dont il porte la somme,
Il souffre ; mais l’amour épure sa douleur,
Et le Dieu transparaît aux tortures de l’homme.
André FONTAINE, Le Livre d’espoir.
Recueilli dans Anthologie critique des poètes normands de 1900 à 1920,
poèmes choisis, introduction, notices et analyses par
Charles-Théophile FÉRET, Raymond POSTAL et divers auteurs,
Paris, Librairie Garnier Frères, 1920.