Le jour des morts à la campagne
Du temple à grands flots se hâtait de sortir
La foule qui déjà, par groupes séparée,
Vers le séjour des morts s’avançait éplorée.
L’étendard de la croix marchait devant nos pas ;
Nos chants majestueux consacrés au trépas
Se mêlaient à ce bruit précurseur des tempêtes ;
Des nuages obscurs s’étendaient sur nos têtes,
Et nos fronts attristés, nos funèbres concerts
Se conformaient au deuil et des champs et des airs.
Cependant du trépas on atteignait l’asile :
L’if, et le buis lugubre, et le lierre stérile,
Et la ronce, alentour, croissent de toutes parts ;
On y voit s’élever quelques tilleuls épars ;
Le vent court en sifflant sur leur cime flétrie.
Non loin s’égare un fleuve, et mon âme attendrie
Voit dans le double aspect des tombes et des flots,
L’éternel mouvement et l’éternel repos.
Avec quel saint transport tout ce peuple champêtre,
Honorant ses aïeux, aimait à reconnaître
La pierre ou le gazon qui cachait leurs débris !
Il leur parlait encor ; mais au sein de Paris,
Des parents les plus chers, de l’ami le plus tendre,
Où peut l’œil incertain redemander la cendre ?
Les morts en sont bannis, leurs droits sont violés,
Et leurs restes sans gloire au hasard sont mêlés.
Ah ! déjà contre nous j’entends gémir leurs mânes.
Tremblons : malheur au temps, aux nations profanes
Chez qui, dans tous les cœurs affaibli par degré,
Le culte des tombeaux cessa d’être sacré !
Louis-Marcelin de FONTANES.
Recueilli dans L’Académie française au XIXe siècle
et la foi chrétienne, nouvelle édition, refondue
et continuée jusqu’en 1896.