L’appel du soir
D’où vient donc que j’étouffe au sein de l’univers ?
Marceline D.-VALMORE
Des instants comme ceux que je viens de porter
Sur mon âme abrutie,
Tu sais pourtant que c’est trop de complicité,
De lâche antipathie
Autour d’un seul destin que tout aura tenté.
Je me suis vue inerte au bord du soir farouche
Sans plus pouvoir souffrir
Au moins avec effroi... L’air entr’ouvrait ma bouche,
Et je n’ai pu qu’offrir
Au Maître le vertige oppressé qui me couche !
Ma fatigue faisait du chagrin dans le temps,
Et mon âme cédante
Était une mouette abattue en chantant,
Et longtemps palpitante
Après le coup brutal du trop tendre printemps.
Qu’eût pensé de moi l’âme ouverte à ma tendresse ?
Tu ne peux pas surseoir,
Mais tu me dois d’avoir souci de ma faiblesse,
Appel blessant du soir
Qui me cloues au sommet de l’unique sagesse !
En avais-tu bien vu l’effarante hauteur
Pour ma tempe si frêle ?
En avais-tu pesé le calme agitateur
Quand juin houleux y mêle
Son goût de lilas blanc, sa nerveuse moiteur ?...
Tu fonds sur ma détresse et ton étau réclame
Encor un peu de sang
Que tu me prends avec ce qui reste de flamme
En mon amour puissant...
Mais vois dans quel état tu me remets mon âme !
Marie-Anna FORTIN,
Bleu poudre, 1939.