Ce caprice orageux
Oui, vos moindres discours ont des grâces secrètes
RACINE
J’ai besoin d’un amour qu’un noble ennui mesure,
Et s’épuiser en vous c’est s’épuiser en Dieu !...
Si ce dimanche-là j’avais la voix moins sûre
En soutenant l’appel mystique de vos yeux,
Si mes ferveurs sortaient d’une gorge étouffée,
C’est que je vous avais tout bas crié si fort,
Au milieu des sursauts de mon âme assoiffée
Quand je vous attendais dans le long corridor ! –
Je n’avais jamais eu l’âme aussi compliquée,
Tout le long du voyage elle se débattit
Et chaque soir encor la trouve inexpliquée !...
. . . . . . . . . . . . . . . .
Serrez donc votre bras à mon bras si petit,
Puis glissons au jardin nous dire de ces choses
Si belles, qu’à travers la chanson de nos cœurs,
Nous entendrons pleurer le cœur fourni des roses !
Nous prierons longuement, sans souci des moqueurs,
Sous l’arc pâle et penché d’une lune indulgente,
Et nous desserrerons au clair du ciel lointain
Cet écheveau qui joint mon âme turbulente
Au caprice orageux d’un tragique destin.
Le vent bleu calmera ce soupir qui se pâme
En regrets se ruant sur votre souvenir...
Car je crois démêler ce qui m’étrangle l’âme ;
Douleur que m’a laissée un excès de plaisir !
Marie-Anna FORTIN,
Bleu poudre, 1939.