Dans leur âme myope...
Ceux qui ne souffrent pas dans leur âme myope
Le martyre éclatant qu’infligent les saisons,
N’auront jamais permis que le soir enveloppe
Leur cœur dans un duvet de nids et de chansons.
Ils s’en vont grimaçant un sarcasme,
Ignorants du délire inouï
Où le jour se défait dans un spasme.
Leur œil bref n’est jamais ébloui
Par l’immense et divin privilège
De pouvoir opposer sa chaleur
Au froid blanc des ciels bas lourds de neige.
Ces lâches, dédaignant la hauteur
Du grand rêve où frémit la nature,
Traîneront sans amour vers la mort
Un destin replié sous l’ordure
Qui fléchit jusqu’à leur sombre corps...
N’osant rien emprunter aux forces éternelles,
Ils auront renié d’un dédain provocant,
La grave majesté de ces nuits solennelles
Qui font gémir en nous leur bonheur suffocant !
Marie-Anna FORTIN,
Bleu poudre, 1939.