Il est des soirs

Il est des soirs si beaux sous des cieux si légers

Que travailler alors serait comme un blasphème.

Des soirs si beaux,

Dérivant comme des radeaux...

Et des soirs si pesants, hagards et surchargés,

Soirs insurgés où ne rien faire est la mort même.

Il est des soirs déserts tout courbés de moiteur

Où l’on se sent si seule au milieu de tant d’hommes.

Des soirs déserts,

Stagnant sur des accords de verts...

Moins accessibles que les jours brûlés au cœur,

Soirs trop grands pour les fronts si petits que nous sommes !

Il est des soirs étroits pour nos cœurs trop ouverts.

Soirs bienveillants penchés sur des nuits si décentes.

Des soirs étroits,

Ligotés au bois d’une croix...

Blottis, surnaturels, tout d’étoiles couverts,

Qui s’endorment sur nos âmes adolescentes.

Il est des soirs pieux où les fleurs sont les mots

Des hymnes argentins qu’une mésange épèle.

Des soirs pieux,

Jeunes, miséricordieux...

Dantesques, où la nue éparpille en grumeaux

Son azur où l’émoi des astres nous appelle !

Marie-Anna FORTIN,

Bleu poudre, 1939.