Inquiétude
Quand le dernier rayon du jour qui va s’éteindre
Colore l’eau qui tremble et qui porte au sommeil,
Je vous vois... et jamais je ne peux vous atteindre.
Marceline D.-VALMORE
Au fond de mes os l’hiver tremble.
Pourquoi ne sommes-nous ensemble ?
Pour prier comme pour dormir,
Pour vivre comme pour mourir !...
Matins et soirs, je m’inquiète :
Cette flamme dans votre tête !...
La douleur est-elle au plus mal ?...
Dites, qu’y a-t-il d’anormal ?
Sur son fuseau qui se délie,
Tient-il assez le lin de vie ?...
Ou voudrait-il rompre tout bas ?...
À l’autre bout du vent là-bas,
En arrière de la montagne,
Par delà l’austère campagne,
Qu’est-ce qu’on entend dans son cœur
Qui vient d’ici, de la frayeur
Où tout en moi prend la défense
De votre fragile existence ?
À sourire, a-t-on réappris ?...
Ou si toujours on est surpris
Par quelque irrésistible larme
Qui s’agite sur une alarme ?
Le jour blanc veut-il apaiser
Le souvenir fol et brisé
De l’intraduisible nuit rouge ?...
Sur le silence où rien ne bouge
Que le rappel de vos ferveurs,
Il me vient de tragiques peurs !
Je vous offre ma nuit entière
Et tiens en flamme une prière !
Brûlons sur l’autel de la Croix
Ces immolations de choix :
C’est la forme la plus classique
D’avoir une âme évangélique !
. . . . . . . . . .
Je m’esquive sur ce rayon
Qui vient jusque dans ma maison
Me chercher pour vous tisser une
Opaline mante de lune !
Ce long rayon qui vient blanchir
La chambre qui veut s’agrandir
Quand se tord cette avide flamme
De l’âme qui contient votre âme !...
Marie-Anna FORTIN,
Bleu poudre, 1939.