De tout ce printemps-là...
Je n’aurais exigé de tout ce printemps-là
Qu’un mince cri d’oiseau crevant les brises,
Qu’un peu du blanc que Dieu mêla
Au rose sur les frises
Des durs et ronds
Bourgeons !
Il ne m’aurait suffi que d’espiègles mots :
Jets sirupeux, dégel pétillant, trilles,
Que sons infinitésimaux...
De toutes ces idylles,
Qu’un rire lent
Du vent !
On ne m’aurait fait voir de ces jours couleur d’eau
Que l’azur à carreaux étroits qui bloque
Ma fenêtre, et l’épais rideau
De pins... leur geste évoque
Les hauts destins
Humains !
Pourvu que vous m’aimiez, de ces orchestres verts
Il ne m’aurait fallu sur vos prunelles
Qu’un reflet de cet univers...
Et liant nos voix grêles
Qu’un fil de ciel
En miel !
Le soir serait venu défaillir dans ma main
Que pour cacher sa timide folie,
Je n’aurais saisi en chemin
Dans un goût d’ancolie
Qu’un trémolo
Sur l’eau.
Vous ne m’auriez donné que deux matins en croix
Sur un muguet pour brandir ma jeunesse,
Qu’un avé de mai sur vos doigts,
Pour qu’en mon cœur je dresse
Des monuments
Au temps !
Marie-Anna FORTIN,
Bleu poudre, 1939.