Les dieux au Golgotha
Jésus est mort. Le sang s’arrête à ses bras nus,
La glace de silence est entrée en ses veines.
Il dort, meurtri de coups, lacéré par les haines,
Et les dieux couronnés de roses sont venus.
Voici Zeus. Tout l’Olympe est autour. Cette horde
Halète. Pas un bruit : – les dieux épouvantés
Ont touché le néant de leurs éternités,
Et tremblent, et font trêve aux soufflets de discorde.
Ils voient, sur le ciel noir, tragique et furieux,
Ce martyr pâle, avec sa tête qui se penche ;
Et Zeus en a du sang à sa tunique blanche,
Et de vrais pleurs humains lui sont montés aux yeux.
Tous songent que leur gloire ancienne et leur puissance
Disparurent, au cri dernier de ce martyr,
Que la foule les chasse, et qu’il faudra partir
Loin des temples sereins, loin de l’air qu’on encense.
Et ne pouvant pas même, en son supplice affreux,
Haïr ce torturé dont la tête s’incline,
Les dieux déchus s’en vont le long de la colline
Sans avoir une fois regardé derrière eux.
Charles FUSTER.
Paru dans L’Année des poètes en 1893.