Le sourire
On ne peut pas rire toujours ;
Du moins on peut toujours sourire.
Il est de douloureux amours,
Mais nul constamment ne soupire.
On se sourit, sans se parler,
Lorsque la raison rend ses armes ;
Lorsque, hélas ! il faut s’en aller,
On sourit pour cacher des larmes.
Il est des sourires d’esprit,
Aux sous-entendus de malice :
J’aime mieux le cœur qui sourit
Même au profond d’un dur supplice.
La sourire est fin, nuancé ;
Le sourire est aristocrate.
On sourit quand on a pensé :
C’est le sourire de Socrate.
On sourit lumineusement
Lorsqu’on a voulu le martyre,
Et c’est dans un rayonnement
Que je crois voir Jésus sourire.
C’est par le sourire attendri
Qu’une jeune mère est touchante ;
Son regard lui-même a souri,
Ses yeux disent que son cœur chante.
L’enfant sourit, dans le brouillard
Des rêves qu’un rayon effleure,
Mais le sourire d’un vieillard,
C’est la lumière intérieure.
Car l’être humain redoute un peu
Toute joie altière et bruyante :
Il préfère aux midis en feu
Une pénombre souriante.
Il est des sourires muets
D’êtres que leur chagrin rassemble ;
Il en est aussi d’inquiets,
– Ceux de la tendresse qui tremble.
L’humble sourire est trop discret
Pour provoquer la destinée ;
Il apparaît, il disparaît,
Mais l’âme en reste illuminée.
Ce n’est pas l’or pur du bonheur,
C’en est la petite monnaie...
Dieu, demandant beaucoup au cœur,
Permet qu’ainsi le cœur se paie.
Des enfants passent : sourions !
Sourions au couple qui rêve !
D’un sourire, remercions
Pour chaque minute de trêve !
Sourions, en portant secours
À l’être qu’un tourment déchire,
Et tâchons, au soir de nos jours,
D’être assez vaillants pour sourire.
Charles FUSTER.