Vision du large
Sur le sable fin de la grève,
Doucement j’ai suivi mon rêve
D’un très long regard attendri,
Et, devant la mer langoureuse,
Sentant mon âme tout heureuse,
J’ai souri.
J’ai contemplé l’horizon rose
Et l’éternelle apothéose
Au fond de l’azur enchanté ;
Et, devant les divins mirages,
Oublieux de tous les orages,
J’ai chanté.
Debout sur la haute falaise,
J’ai senti l’étrange malaise
Que donne l’Océan troublé ;
Sur les tourbillonnantes lames
Je croyais voir passer des âmes ;
J’ai tremblé.
Dans l’ouragan que rien n’arrête,
Sonnant le glas de la tempête,
Sur un vaisseau désemparé,
Au milieu des rudes rafales
On entendait comme des râles :
J’ai pleuré.
Écoutant la lugubre plainte,
J’ai senti dans mon âme étreinte
Une immense et douce pitié ;
Et songeant aux marins qui meurent,
Aux tristes épouses qui pleurent,
J’ai prié.
René GAËLL.
Paru dans Almanach de l’Action
sociale catholique en 1917.