À Madame J. F.
J’ai lu ces vers charmants exhalés sur deux tombes
Qui firent naître un soir des larmes dans vos yeux ;
J’ai suivi du regard ces deux blanches colombes
Dans leur vol pressé vers les cieux.
J’ai médité souvent ce terrible mystère
De ces beaux séraphins, objet de notre amour,
Que l’Éternel ne fait que montrer à la terre,
Qu’il ne prête que pour un jour.
Quanti ces anges s’en vont rappelés, il fait sombre
Et froid autour de ceux qui marchaient sur leurs pas :
Pleurons sur les amis abandonnés dans l’ombre
Et traînant leur vie ici-bas !
Sur ces cœurs envahis par d’affreuses ténèbres,
Qui cherchent vainement leurs astres disparus,
Qui vont faire redire à tous échos funèbres
Le nom de ceux qu’ils ont perdus !
Pleurons sur les amis, les amants et les mères,
Les plus brisés, hélas ! par ces cruelles lois,
Sans nous montrer ingrats dans nos plaintes amères ;
Dieu nous en laisse quelquefois.
Il permet – pardonnez a mon élan sincère –
De ces êtres divins qu’un des plus gracieux
Embellisse pour nous ce vallon de misère,
Et charme nos cœurs et nos yeux.
184...
P.-Jean GAIDAN,
Aubes d’avril et
soirs de novembre,
1870.