Novembre
Sous le vol tournoyant de l’oiseau voyageur
L’automne a vu passer le char du vendangeur ;
Dans la vague étendue où n’est plus l’hirondelle
Le sinistre rapace a déployé son aile,
Et la brume a jeté sur notre azur riant
Le mystère des cieux nuageux d’Ossian ;
Le soleil secouant une lueur fatale,
Comme un spectre effaré passe dans la rafale,
Et de la mer lointaine on entend les sanglots ;
Au delà des brouillards roulant comme des flots
J’ai vu distinctement, du nimbe couronnées,
Des ombres apparaître et fuir dans les nuées !
Salut, saison funèbre aux soirs longs et voilés,
Où j’ai la vision de mes jours écoulés !
Salut, âmes des miens, souriantes ou sombres,
Qui vous dressez là-bas dans la gerbe des ombres !
Ô mes morts bien-aimés ! vivant dans mon esprit,
Père, mère et vous tous dont je suis amoindri !
Hôtes de ma pensée et des mondes de l’âme,
Doux éclairs remontés vers l’éternelle flamme,
Qui du foyer divin souriez au tison
En train de consumer sa terrestre prison !
De l’insondable abîme où dort la nébuleuse,
Je la vois émerger toujours plus lumineuse,
La constellation des âmes des aïeux ;
Elle approche, elle éclot sur la face des cieux,
Faisant épanouir, en déchirant ses voiles,
Un front de vierge aimée au milieu des étoiles.
Novembre 186...
P.-Jean GAIDAN,
Aubes d’avril et
soirs de novembre,
1870.