Sur un cimetière
Le vieux temple a croulé sous un fort coup de vent ;
Et pendant qu’on construit un nouvel édifice
Sur les ruines d’un couvent,
Les fidèles s’en vont, pour le divin service,
Dans l’humble cimetière, – aux cœurs toujours propice, –-
S’agenouiller en foule et prier en rêvant.
Quelques bancs pour les vieux, un fauteuil pour le prêtre,
Un autel de verdure, et c’est tout. C’est assez.
Pour adorer le divin Maître,
Un cœur fervent suffit. Les heureux trépassés
Ne murmureront pas dans leurs cercueils glacés
En entendant ces voix qu’un grand espoir fait naître.
Rien n’est plus solennel et rien n’est aussi grand
Que ce culte en plein air ! Les voix graves et lentes
Qui montent dans l’air odorant
D’un matin de juillet aux heures somnolentes,
Les jeunes fronts pensifs, les vieilles mains tremblantes
Jointes sur les genoux dans un geste expirant ;
Tous ces cœurs prosternés devant l’Être suprême,
Sous l’azur transparent, sous l’infini des cieux,
M’ont dit : C’est ainsi que l’on aime.
Sur la croix d’un tombeau, recueilli, sérieux,
Brûle tout ton orgueil, brûle tous tes faux dieux !
Croire au divin bonheur, c’est le bonheur lui-même.
A. GAILLARD.
Paru dans L’Année des poètes en 1896.