Le mariage du siècle

 

 

Aujourd’hui le saint nœud qui réunit deux âmes

            Par le grand nombre est incompris ;

Le mariage n’est qu’une vente de femmes,

            Où l’amour n’a plus qu’un vil prix.

 

La balance où se pèse un hymen qu’on prépare

            N’a de place en chaque plateau,

Que pour l’or qui s’entasse et qu’une main avare

            Égalise en double monceau.

 

– Qu’importe que, repu de voluptés banales,

            Le cœur à jamais vide et mort,

L’époux, la vie usée en des amours vénales

            Vienne à la vierge unir son sort !

 

– Si la femme n’a plus d’auréole à la tête,

            Plus de vertu, son seul vrai bien,

Qu’importe ! on ne prend plus une épouse, – on l’achète.

            Devant l’or, l’honneur n’est plus rien.

 

– Puis, à quoi bon s’aimer, à quoi bon se le dire ?

            L’amour, ce rêve mensonger,

Comme se perd un son ou s’efface un sourire,

            S’enfuit bientôt d’un vol léger.

 

– L’or est tout ici-bas : c’est le Dieu qu’on adore,

            Le Dieu partout multiplié,

Sans lui, la vertu meurt, la gloire s’évapore,

            Le mérite reste oublié. –

 

Honte à jamais sur vous, âmes froides et dures !

            L’amour, par vos voix profané,

C’est le sentiment vrai des choses les plus pures

            Rayon du ciel même émané.

 

Avant de rechercher un intérêt vulgaire

            En livrant la vierge à l’époux,

Sachez qu’en enseignant le bonheur à la terre

            Le Christ avait dit : Aimez-vous !

 

 

                                                                 1855.

 

 

 

Louis GALLET,

Gioventù, poésies,

1857.

 

 

 

 

 

 

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