Où donc est ton refuge ?
OÙ donc est ton refuge, ô mon cœur, réponds-moi.
Fidèle compagnon qui, depuis ma naissance,
Souffrant de mes douleurs et vivant de ma foi,
Des choses d’ici-bas reconnais l’inconstance !
Dis-moi si ton refuge, asile de bonheur,
Ce doux séjour de paix que tout mortel envie,
Est dans la sphère étroite où Dieu borna ta vie ?
« – Oh ! non, ce n’est pas là, me répondit mon cœur ! »
– Où donc est ton refuge ?... Est-ce vers l’Orient,
An climat de l’aurore, et notre premier rêve !
Au milieu des parfums, où le jour souriant,
Pour répandre ses dons dans la pourpre se lève ?
Serait-ce où le palmier, d’un sol brûlant vainqueur,
Prête aux fils du désert sa géante verdure,
Où le froid n’a jamais attristé la nature ?
« – Oh ! non, ce n’est pas là, me répondit mon cœur ! »
– Où donc est ton refuge ?... Est-ce au pôle lointain
Où la glace toujours sur les cimes rayonne,
Où, rapprochant le soir du lumineux matin,
Le soleil sait garder, intacte, sa couronne ?
Serait-ce où n’atteint pas le pied du voyageur ?
Où l’aile du condor n’atteint pas elle-même,
Aux champs de l’idéal, la région suprême ?
« – Non, non, ce n’est pas là, me répondit mon cœur ! »
– Où donc est ton refuge ?... où donc est ton trésor ?
Dans un nouvel Éden tu l’as placé sans doute !
Pour fuir loin des sentiers où je me traîne encor,
Ami, de ton refuge indique-moi la route !
Où s’envolent tes vœux ? Est-ce aux pieds du Seigneur,
Où la beauté divine apparaît là sans voiles ?
Parle, faut-il chercher par delà les étoiles ?
Faut-il monter aux cieux ?...
– « Oui, répondit mon cœur ! »
« Oh ! oui, oui, c’est bien là que je veux reposer !
« C’est là mon origine et la source de grâce !
« Des flammes d’ici-bas si j’ai pu m’embraser,
« Des feux sacrés du ciel j’ai conservé la trace...
« C’est là, marqué du sang du divin Rédempteur,
« À chaque battement, c’est là que je m’élance...
« C’est là qu’est mon refuge et ma seule espérance,
« Car l’amour éternel, seul, peut remplir mon cœur ! »
Henri GALLEAU.
Paru dans La Semaine des Familles en 1875.