Retour en Limousin

 

 

Du vaste sein de la mer, des ennuis du port et des dangers du phare je suis sorti, grâce à Dieu ; et je puis raconter tous les maux, les tourments que j’ai soufferts. Dieu me permet donc de revenir, la joie au cœur, dans ce Limousin que j’avais quitté avec tant de tristesse ! Grâces lui soient rendues pour la faveur qu’il m’accorde.

 

Oui, j’ai raison de remercier le Ciel qui me ramène sain et fort en ce pays. Un petit jardin y vaut mieux que la richesse et le luxe sur une autre terre. Le bel accueil de notre princesse, la vue de ses nobles gestes et l’aimable son de ses paroles, les présents de sa main gracieuse et le doux aspect de son visage valent tous les biens qu’on trouve ailleurs.

 

J’ai bien sujet de chanter, puisque je vois les fêtes et les plaisirs, les divertissements et la galanterie qui sont réunis dans votre cour. Les fontaines, les ruisseaux clairs réjouissent mon cœur, aussi bien que les prés et les vergers. Tout me plaît maintenant ; je ne crains plus la mer, ni les vents de l’Ouest ou du Sud, ni le mistral ; mon esquif n’est plus balancé par les flots ; je n’ai plus à redouter l’attaque d’une galère ennemie ni la poursuite d’un corsaire.

 

Celui qui, pour gagner Dieu et pour sauver son âme, accepte de telles souffrances, celui-ci a raison et fait bien. Mais celui qui, dans le mauvais dessein de voler, s’expose à tous les périls de la mer, celui-là bien souvent ne tarde pas à choir quand il croit s’élever. Désespéré enfin, il jette tout par-dessus bord, son âme et son corps, son or et son argent.

 

 

 

GAUCELM FAIDIT.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie occitane,

choix, traduction et commentaires

par André Berry, Librairie Stock, 1961.

 

 

 

 

 

 

 

 

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