L’hirondelle et la guerre
HIRONDELLE, où vas-tu si vite
À travers le ciel printanier ?
– Je vais où la saison m’invite,
À Reims où j’étais l’an dernier.
– Ce n’est pas la peine, hirondelle,
Tout est détruit par le canon,
Et de l’antique citadelle
Il ne reste plus que le nom.
– Comment ! plus rien de Notre-Dame
Qui m’abritait sous ses arceaux ?
– Si, des murs noircis par la flamme
Et des saints de pierre en morceaux.
– Soit, loin des forts qu’on démantèle,
Louvain me garde un vieux clocher,
Plus ajouré que la dentelle,
Et c’est là que je vais nicher.
– Hirondelle, c’est inutile,
Et tu voyagerais en vain,
Les édifices de vieux style
Sont anéantis à Louvain.
– Il reste bien une chaumière ?
– Hirondelle, il n’en reste plus.
Ces trous où passe la lumière
Ont été faits par les obus.
– Où logerai-je ma couvée ?
– Hirondelle au vol triomphant,
Où la mère qui s’est sauvée
Logera-t-elle son enfant ?
– C’est juste, et ma peine est la sienne ;
Elle et moi nous nous connaissons ;
Car je nichais sous sa persienne
Et je passais dans ses chansons.
Ne pouvant plus vivre auprès d’elle
Je pars ! – Attends encore un peu,
N’aimes-tu donc pas, hirondelle,
Les ruines sous le ciel bleu ?
– Si, les habiter est mon rêve,
Ami, je les aime en effet,
Mais lorsque le temps les achève,
Et non lorsque l’homme les fait.
Léon-Adolphe GAUTHIER-FERRIÈRES.
Paru dans la Revue française et
repris dans Le Noël du 10 février 1916.