L’Immaculée Conception

 

                                                               Quam pulchra es, amica mea,

                                                           Columba mea, immaculata mea.

 

 

Chaque fois que l’Église au monde fait entendre

Les éclats de sa grande et formidable voix,

Des aboyeurs sont là, qui partout vont l’attendre

Et l’insultent à chaque fois !

 

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                                  *      *

 

Ainsi quand cette Église à Saint-Pierre assemblée

Proclama d’une voix Marie immaculée,

Voix qui lit tressaillir l’univers tout entier,

Certaines gens alors noircirent le papier ;

Alors contre la Vierge ils vomirent l’injure :

Quoi ! l’Église décrète (et sans les consulter),

Que la Vierge naquit et vécut sans souillure !

C’est un affront pour eux que la Vierge soit pure !

À ce dogme d’amour il leur faut insulter !

 

                                      *

                                  *      *

 

Ainsi voilà de quoi l’incrédule s’indigne ;

Il faut à cette Vierge une tache, il le faut ;

Il veut à toute force à cette œuvre un défaut

Et des taches de boue à la blancheur du cygne.

 

                                      *

                                  *      *

 

Plus ce dogme est aimé, plus sa fureur s’accroît :

Puisque je suis flétri, souillé dès ma naissance,

Tout doit l’être, dit-il, je réclame ce droit ;

Puisque je suis impur, il n’est pas d’innocence,

Puisque je suis maudit, il faut que tout le soit.

 

                                      *

                                  *      *

 

C’est ainsi qu’au milieu d’une impure assemblée

De femmes sans pudeur et d’hommes dissolus,

Si quelque ange au front pur, comme l’on n’en voit plus,

Quelque vierge chrétienne est par hasard tombée,

Tous ces êtres flétris ne peuvent soutenir

De leurs yeux de hibou cette pure lumière.

L’envie avec la haine, et le dur souvenir

De leur vertu passée échauffent leur colère.

L’aspect de cette enfant, qui pourtant leur sourit,

Est pour eux un reproche horrible, qui les tue ;

Sa complète innocence irrite leur esprit,

Et sa virginité leur tourmente la vue.

Autour d’eux ils voudraient voir tout flétri par eux ;

Que rien enfin ne fût sans tache, et que cet ange,

Tombant de son beau ciel à leur niveau honteux,

        Fût comme eux tout couvert de fange !

 

 

 

Léon GAUTIER.

 

Paru dans la Revue du monde catholique en 1861.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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