Épître à mon ami H. B.

 

                            (FRAGMENT)

 

 

– Élevons jusqu’à Dieu notre sainte pensée,

Mon frère. Il n’est plus rien, rien de l’heure effacée

Qui vienne à notre cœur pour laisser des dégoûts ;

Un soupir en est-il le fruit, c’est qu’il est doux.

Laissons les enfants rire aux baisers de la mère

Et jouir un long temps de cette heure éphémère.

Admirons leur fraîcheur, leur innocent amour,

Car l’étoile blêmit quand se lève le jour.

Laissons l’oiseau chanter dans le riant bocage,

Et la fleur embaumer... Nous sommes d’un autre âge...

Peut-être est loin encor l’hiver des blancs cheveux,

Mais n’en formons pas moins, ô mon frère, des vœux !

Adressons à Dieu seul une prière sainte

Que dictera l’amour purifié de crainte.

Devançons, pour prier, l’heure où, sur les landiers,

Vieillards pâles, tremblants, nous poserons les pieds.

Puisque nous avons fait un retour en arrière,

Que nous avons pleuré, faisons une prière !

Et lorsque, comme un chant pieux qui s’affaiblit,

Dans cette immensité muette de la nuit,

Notre voix par degré, plus faible et recueillie,

Seule, ira vers le ciel que l’Univers oublie,

Alors nous comprendrons ce qu’on ne comprend pas :

Que l’homme est pour prier et souffrir ici-bas.

 

 

 

Firmin GAUVIN.

 

Paru dans Poésie, 11e volume

de l’Académie des muses santones, 1888.

 

 

 

 

 

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