La fête de Noël
C’est le jour où Marie
Enfanta le Sauveur ;
C’est le jour où je prie
Avec plus de ferveur ;
D’un lourd chagrin mon âme
Ce jour-là se défend.
Ô Vierge ! je suis femme,
Et je n’ai point d’enfant !
Ô mère, chaste et belle,
Du Dieu terrible et grand,
Dans ta sainte chapelle
Je m’incline en pleurant ;
De regrets poursuivie,
Près du divin berceau
J’attache un œil d’envie
Sur ton enfant si beau.
Bénis ces larmes pures
Et je t’apporte en vœux
Tout l’or de mes parures,
Tout l’or de mes cheveux ;
Mes plus belles couronnes,
Vierge, seront pour toi,
Si jamais tu me donnes,
Un fils, un ange à moi.
Alors dans ma demeure
Le plaisir renaîtrait,
Et la femme qui pleure,
Pour l’enfant chanterait.
De ma gaîté ravie
Célébrant le retour,
Je vivrais... et ma vie
Serait toute d’amour.
Illusion perdue,
Beau rêve défloré,
Tu me serais rendue
Par l’entant adoré.
Noble orgueil, sainte gloire
De l’amour innocent,
À vous je pourrais croire
Encore, en l’embrassant.
Loin des pièges du monde,
Je fuirais avec lui,
Et cette tête blonde
Deviendrait mon appui.
Sans amour sur la terre,
Le cœur est désarmé ;
Oh ! c’est un guide austère
Qu’un enfant bien-aimé.
Je verrais sans tristesse,
Implacable en son cours,
Le Temps avec vitesse
Emporter mes beaux jours :
De mes grâces fanées
Je ne défendrais rien...
Que seraient mes années ?
Son âge et non le mien.
Enfin, je pourrai même
Voir s’éloigner de moi
L’ingrat époux que j’aime
Et lui garder ma foi.
Pas une plainte amère !
Ma douleur se taira...
Je dirai : Je suis mère,
Courage, il reviendra.
Delphine GAY,
Poésies complètes,
1856.