Âme
Âme,
Mémento qu’un ange dépose
Furtivement, je ne sais où,
À l’heure où la femme pour nous
Saigne et s’ouvre comme une rose.
Âme,
Trace d’absence
Plus oppressante
Qu’une présence
Insinuante.
Âme,
Miroir tanné de mystères
Où se reflète la terre.
Âme,
Soleil enfoui dans la nuit chaude,
Lune dans la dentelle de l’aube.
Âme,
Linge usé que sans cesse reprisent
Les mains patientes de l’Église.
Âme,
Cette ouate de l’encens
Qui éponge les yeux,
Cette haleine de Dieu,
Ce baiser de l’hostie,
Ces lèvres assouvies
Au calice du Sang.
Âme,
L’appel des muezzins du haut des minarets
Qui de La Mecque à Marrakech tendent leurs rets
Aux mailles blanches de silence,
Le clapotis du Gange et les cloches de Rome,
Le cri du Christ,
La fumée des fours crématoires,
Cendres et sang,
Marécage de ma mémoire.
Âme,
Scrupule sur le plateau du pauvre
Aussi léger que celui du riche
À la bonne balance du cœur
Où se pèsent peines et bonheur.
Âme,
Tombeau de la douleur.
Robert-Lucien GEERAERT,
Le Tombeau de la Douleur, 1957.
Recueilli dans
La nouvelle poésie belge d’expression française,
anthologie 1950-1960,
préfacée par Pierre-Louis Flouquet,
Unimuse, 1961.