Escales
La vie est faite d’escales
Où s’effrite un peu de nous ;
Haltes des enfances pâles
Qu’agitent les rêves flous ;
Haltes où le cœur accoste
Transporté, battant, battant,
Et le chagrin qui riposte
En jouteur impénitent.
Haltes au sein de la rose
Où sourit le souvenir.
L’homme un instant se repose,
Mais il faut encor partir.
De départs en départs, ivre
De fuir ou de moissonner,
Il sent la force de vivre
Lentement l’abandonner.
Jusque dans la nuit de l’âge
Il voudrait, à l’infini,
Recommencer le voyage,
Mais le voyage est fini.
Et, déchirement suprême,
Il embarque au dernier port
Où l’attend le passeur blême
De sa majesté la Mort.
GEORGE-DAY.
Recueilli dans Anthologie de la Société des poètes français, t. I, 1947.