Ce qu’un voyant profère...

 

 

Ce qu’un voyant profère est ineffable aux foules

Depuis les premiers jours où furent ses audaces,

Dans un empire étrange, il trouva, grave et seul,

Des noms que nul encor n’avait donnés aux choses :

 

Tonnerres où grondaient, énormes, formidables,

Des ordres, ou le bruit susurrant des prières,

Pactole qui roulait ses rubis enflammés

Ou le doux glissement des ondes printanières.

 

Il se plaisait à leur puissance, à leur musique ;

En eux il entendait quand – d’un sublime envol,

Fuyant le monde, il s’abritait parmi les songes –

Les harpes et les voix sacrées du sanctuaire.

 

Eux seuls – non la leçon douce et balbutiante,

Le parler maternel – lui furent des élus,

Quand, enivré d’oiseaux, de printemps, il songeait

Aux êtres fabuleux de ses premiers désirs ;

 

Ou tourné vers le Dieu qui guidait son aurore,

Il lui criait sa peur des promesses menteuses,

Suppliant que du doute où travaillait son cœur,

La vision surgisse et naisse à la lumière !

 

 

 

Stefan GEORGE, L’année de l’âme.

 

Traduit de l’allemand par Maurice Boucher.

 

Recueilli dans Stefan George, choix de poèmes,

première période 1890-1900,

traduit, préfacé et commenté

par Maurice Boucher, Aubier, 1941.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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