Les baisers
La bouche qui baisa mes lèvres enfantines,
La bouche qui d’abord but le fiel de mes pleurs,
Avait des lèvres d’or et des chansons divines.
Dans mon tremblant berceau qu’on recouvrait de fleurs
Souvent des pleurs amers ont roulé dans mes langes.
Et ma mère m’apprit le secret des douleurs.
Hélas ! ma mère elle est allée où sont les anges !
Elle a porté vers Dieu l’offrande de son cœur
Sans l’avoir entaché de nos humaines fanges.
Et les anges à Dieu chantant l’éternel chœur,
Avec des lèvres d’or et des chansons divines,
Les anges ont reçu sa douce âme, leur sœur.
Et depuis lors jamais mes lèvres enfantines
N’ont reçu les baisers de bouches d’ici-bas ;
Mes yeux ont fui l’éclat des lèvres purpurines.
Les rougissants baisers, je n’en goûterai pas
Avant d’avoir trouvé les lèvres enfantines
D’une enfant douce, à tête d’ange ou d’enfant las,
Ayant des lèvres d’or et des chansons divines.
Paul GÉRARDY.
Recueilli dans La poésie francophone
de Belgique 1804-1884,
par Liliane Wouters et Alain Bosquet,
Éditions Traces, 1985.