Chant d’été
Allons-nous-en, mon cœur, et faisons notre joie,
En la saison d’été,
Des présents du Seigneur ;
Vois de quelle parure
Se sont en notre honneur
Les jardins embellis !
Les arbres sont feuillus,
La terre a de verdure
Sa fange revêtue ;
Narcisses et tulipes,
Salomon sous la soie
N’eut pas plus beaux atours !
Aux cieux s’élance l’alouette ;
La palombe, de sa retraite,
S’envole vers les bois ;
De son ramage sans égal
Le rossignol charme à la ronde
Colline et val, monts et campagnes.
Mère poule conduit son monde en promenade,
La cigogne bâtit sa demeure et l’habite,
L’aronde donne aux petits la becquée ;
Le cerf rapide et le chevreuil léger
Sont en liesse et, des hauteurs,
Bondissent vers l’herbe jeune.
Les ruisselets murmurent sur le sable
Et décorent la rive et le miroir des ondes
De myrtes ombrageux ;
Tout auprès, les prairies
Résonnent de la joie
Des brebis et de leurs pasteurs.
Le peuple industrieux des abeilles, sans trêve,
Cherche de fleurs en fleurs
Son butin généreux
Et le cep chaque jour sent la sève puissante
Enrichir de vigueur et de vertu nouvelle
Ses pousses délicates.
Les blés grandissent, pleins de force,
Et là-dessus jeunes et vieux
Célèbrent à l’envi la bonté sans pareille
Du Dieu qui nous régale avec telle abondance
Et propose à notre âme
Telle richesse de présents !
Je ne saurais non plus demeurer en repos :
Les bienfaits du Seigneur
Éveillent tous mes sens ;
Ma voix va se mêler à l’hymne universel
Et le chant qui me vient en l’honneur du Très-Haut,
Je le laisse couler des sources de mon cœur.
Ah ! pensé-je, si telle est ici-bas Ta beauté,
Si tu nous fais déjà tel chemin de velours,
Sur cette pauvre terre,
Qu’en sera-t-il de nous au sortir de ce monde,
Là-haut, dans la splendeur de la voûte céleste
Et l’or de Ton palais ?...
Paul GERHARDT.
Recueilli dans Anthologie bilingue
de la poésie allemande,
Gallimard, 1993.