Remords candides
Un lis en moi croissait, rêvant de baiser l’Ange.
Mais une molle haleine a tenté sa rigueur ;
Il a frémi, goûté, puis courba de langueur :
Et ce calice humain n’a baisé que la fange,
Mon cœur si plein jadis se meurt d’un vide étrange.
Un plaisir douloureux a trahi mon bonheur.
À mon propre regard j’ai perdu tout honneur.
L’on dit en me fixant : « Regarde comme il change. »
J’ai tué l’Idéal comme une chose vaine :
Son lustre s’est éteint dans l’orbe de mon œil.
Mon sang humilié s’indigne dans ma veine.
La honte en moi lancine et mon front se colore :
L’azur, la fleur, l’enfant me reprochent mon deuil.
J’étouffe dans ma bourbe et je m’y tourne encore.
Albert GERVAIS,
Au soleil de minuit, 1946.