Les vieilles églises
À quoi songent les cathédrales
Quand leur porte est close la nuit ?
Quand, comme un œil d’ange qui luit,
La lampe vient blanchir les dalles ?
Lorsque la lune, aux rayons pâles,
Aux grands vitraux frappe sans bruit
Et, comme un larron, s’introduit
Au bord des couches sépulcrales,
À quoi songent les cathédrales ?
Debout sous les sombres piliers,
Que disent-ils, les saints de pierre ?
Et dans leur armure de guerre
À quoi songent les chevaliers ?
Sur leur tombe aux blancs escaliers,
Brandissant lance ou cimeterre,
Quand la lune, perçant le verre,
Allume les grands chandeliers,
À quoi songent les chevaliers ?
– Ils songent aux pages d’histoire
Dont l’heure présente se rit.
À ce nom sur le marbre inscrit
Qui seul conserve leur mémoire...
Et les vieux saints de pierre noire
Parlent entr’eux de Jésus-Christ !
Aux ruses du malin esprit,
Dont ils ont su tirer victoire,
Songent les saints de pierre noire.
... Mais le temple où pleure et gémit,
Le jour, la pauvre foule humaine,
Comme un ami garde la peine
Des voix dont sa voûte frémit !
Quand le soir triste qui blêmit,
Tombe sur l’église sereine,
Un soupir doux comme une haleine,
Écho des vœux qu’on lui transmit,
Passe en la voûte qui frémit !
Amélie GEX, Poésies, 1879.