La fleur du temple

 

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                           À C***.

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Sur le vieux clocher de l’église,

À l’abri d’un sombre pilier

Dans les joints d’une pierre grise,

Croît un chétif violier.

 

La plante avec ses tiges frêles

Couvre les fentes du granit

Où tous les ans deux hirondelles

Reviennent suspendre leur nid.

 

Parfois, quand les oiseaux se posent

Un instant sur la vieille croix,

Le passant les entend qui causent

Avec la fleur à demi-voix :

 

« Ah ! disent-ils, pauvre fleur pâle,

« Que ton destin nous semble amer !

« Toi sur qui souffle la rafale

« Pendant les longues nuits d’hiver ;

 

« Comment peux-tu vivre captive

« Sous ces arceaux où du soleil

« Jamais rayon joyeux n’arrive

« Pour t’égayer à ton réveil ?

 

« De tous les bonheurs de la vie,

« Hélas ! tu n’en connais aucun !...

« Sous cette pierre ensevelie,

« Pour qui gardes-tu ton parfum

 

« Puisque nul œil sur notre terre

« Ne te cherchera dans ce lieu ?... »

« – Ah ! leur répond la solitaire,

« N’ai-je pas le regard de Dieu ?

 

« Seul, il me voit et me contemple,

« Qu’ai-je besoin d’un autre appui ?

« Oiseaux, je suis la fleur du temple

« Dieu garde mes parfums pour lui ! »

 

 

 

Amélie GEX, Poésies, 1879.

 

 

 

 

 

 

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