Le char du temps

 

 

Je vis venir un char

plein de nuits et de jours,

de mois, d’heures, d’instants,

que six nobles coursiers

tiraient avec ardeur

en faisant résonner

chacun leurs quatre fers.

 

Roulant et cahotant,

heurtant, cognant, grinçant,

craquant, le char volait ;

et quand il fut passé

et qu’il eut disparu

il avait emporté

les mois et les années.

 

Pourtant jamais ne passe,

toujours reste pourtant

ce que Dieu par sa grâce

nous accorda, le temps

vécu dans le mérite.

Point ne s’en rompt le fil.

Tout le reste nous quitte

si beau, si doux soit-il.

Jamais les six chevaux

jamais du temps le coche

n’emportent le joyau

d’une âme sans reproche.

Quand même tomberait

tout ce qui peut tomber

quand bien même les tours,

les murailles, les roches

s’écrouleraient un jour.

 

 

 

Guido GEZELLE, Exercices poétiques, 1858.

 

Traduit du néerlandais par Liliane Wouters.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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