Excès de joie
Il m’est trop doux de prier ;
Seigneur, dois-je
Dans la paix continuer
Ce voyage ?
J’ai honte de mon bonheur
Quand je pense
À la somme des douleurs
Qu’il offense.
Au chemin que vous ouvrez
L’âme hésite,
Incertaine de tirer
À sa suite
Tant de frères affligés
Jusqu’au faîte
Du vertigineux verger
De vos fêtes.
Est-ce travailler pour eux
Que se plaire
Au spectacle harmonieux
Des mystères ?
Et cueillerai-je au jardin
Une rose
Qui leur sera sans parfum
Sombre et close ?
Lorsque je vous vois, Seigneur,
J’omets l’homme.
Ah ! permettez que ses pleurs
Me couronnent,
Et me gâtent le plaisir
De l’extase
Qui déborde sans tarir
Du saint vase.
Henri GHÉON.
Extrait de Chants de la Vie et de la Foi, Flammarion.