Le nœud
Ce fil qui lie le cœur à la conscience,
Je le veux serrer en un nœud.
Et moi-même je me disjoindrai
D’avec ma souffrance :
Et le sang, au lieu de couler,
Suintera sourdement à travers ce nœud,
Et la parole du cœur
Ne parviendra qu’indistincte à l’esprit.
Qu’il frappe dans sa chaleur
Et qu’il palpite en trébuchant.
L’esprit libre se tait,
Il se tait sans échos !
Il n’est pas un chemin de douleur
Dont je ne veuille préserver son vol.
Lui qui m’est donné pour les hauteurs
Et le bonheur de la contemplation.
Par ce nœud me voici divisé,
Par cette cloison me voici partagé.
Et si jamais j’en venais à aimer
Je n’en saurais rien.
En moi calme et silence.
Ma volonté a fait se rétrécir mon cercle...
Mais je pleure en dormant
Quand se détend le nœud.
Zénaïde GHIPPIUS,
Poésies, vol. I.
Recueilli dans Anthologie de la poésie russe
du XVIIIe siècle à nos jours, par Jacques Robert
et Emmanuel Rais, Bordas, 1947.